Public Enemies, réalisé par Michael Mann
De film en film, Michael Mann a prouvé son talent de compositeur d’images, utilisant le cadrage et l’éclairage adéquat pour imprégner chacune de ses œuvres d’une atmosphère magnifique et envoûtante. Après les plans bleutés de Heat et ceux nocturnes de Collateral, le cinéaste se lance dans une minutieuse reconstitution des années 1930 pour Public Enemies, portrait de John Dillinger, ennemi public n°1 dans l’Amérique de la Grande Dépression. L’esthétique du film permet, par sa précision, un document sur une époque et, par le choix du numérique, une rupture avec le film de gangster américain classique pour imposer le « style Mann », qui préfère au rigoureux découpage du film noir le plan séquence. Dans Public Enemies, le plan s’étend ainsi au-delà de sa durée traditionnelle, parti pris totalement convaincant en raison de la grande habileté du cadreur.
Seulement, Michael Mann se perd cette fois-ci dans ses expérimentations du numérique, Public Enemies glissant rapidement vers l’esthétisme vain. Certes, les séquences sont très belles et le film rempli d’idées de cinéma, notamment dans ses références aux classiques du film noir et dans l’intégration de la salle, à deux reprises : d’abord alors que sont diffusées des actualités cinématographiques, séquence emblématique de la volonté documentaire de Mann sur une époque où l’avant-séance informative importait autant que le film ; ensuite lors d’une projection de Manhattan Melodrama, séquence où le cinéaste utilise adroitement la mise en abyme pour un finale convaincant.
Malgré tout, le film semble en constante hésitation. Il préfère le pluriel du titre, derrière lequel s’efface parfois John Dillinger, malgré tout incarné par une gueule hollywoodienne (Johnny Depp, dans ce qui est loin d’être son meilleur rôle). Et si Public Enemies opte pour une ambiance froide et distante, il convoque tout de même deux figures, le flic et la femme (Christian Bale, fade, et Marion Cotillard, transparente), selon un schéma habituel mais dépourvu d’intensité. Finalement, Michael Mann ne réussit pas à donner une cohérence implacable à son nouveau film (l’un des plus décevants), qui cherche à réinventer un genre, mais demeure inabouti et trop souvent ennuyeux.
11/20
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Ecrit par pL le jeu 16 jui 2009 - 00h45