Un poison violent/ Belle épine/ Des filles en noir
Filmer le quotidien d’adolescentes traversant une période riche en questionnements : telle semble être la motivation d’une grande part des réalisatrices tournant leur premier long-métrage. Après les très réussis Et toi, t’es sur qui ? de Lola Doillon, Naissance des pieuvres, de Céline Sciamma et Regarde-moi, d’Audrey Estrougo, voici Un poison violent de Katell Quillévéré et Belle épine de Rebecca Zlotowski, tous deux présentés au dernier Festival de Cannes (respectivement à la Quinzaine des réalisateurs et à la Semaine de la critique).
Un poison violent s’intéresse à Anna qui, alors qu’elle prépare sa confirmation, commence à éprouver du désir pour Pierre, un garçon de son âge. Pour refléter les préoccupations de son héroïne, Katell Quillévéré oppose des extérieurs lumineux, joliment photographiés à des intérieurs plus sombres et plus froids. Pour Anna, l’extérieur, c’est l’inconnu qui fascine et inquiète : Pierre, l’amour, le sexe. Au contraire, l’intérieur est plus sûr mais semble privé de vie et d’imprévu : la maison familiale abrite un grand-père malade (qui n’a pas perdu son sens de l’humour) et une mère croyante, anéantie par le départ de son mari (Lio, très touchante en femme fragile et dépressive). Un poison violent demeure cependant un film inégal, notamment lorsqu’il s’interroge sur la foi dans des séquences trop écrites et trop explicites.
Si la religion sert de fil conducteur à Un poison violent, c’est le deuil qui est au cœur de Belle épine, qui se focalise sur Prudence Friedman, une adolescente livrée à elle-même. Rebecca Zlotowski filme avec beaucoup de subtilité l’absence de la mère, et offre à Léa Seydoux son rôle le plus intéressant. L’actrice retranscrit remarquablement le mal-être de son personnage, qu’elle rend touchant par sa prestation toute en retenue. Belle épine est un film qui sonne juste et séduit par le soin porté à la photographie (les séquences à Rungis, où Prudence s’immisce dans une bande de motards, ont quelque chose d’envoûtant) et à la composition de la bande originale. Rebecca Zlotowski signe là un beau premier film, qui manque tout de même un peu de personnalité pour s’imposer définitivement comme une découverte marquante.
Enfin, même s’il n’en est pas un, Des filles en noir (également présenté à la Quinzaine des réalisateurs) a des allures de premier film. Jean-Paul Civeyrac y filme Noémie et Priscilla, deux adolescentes dont l’unique aspiration est la mort. Les suivant jusqu’à leur tentative de suicide, le cinéaste décrit les maux de ces deux lycéennes et propose des séquences bouleversantes joliment mises en scène (la lecture en classe d’une œuvre de Kleist, poète qu’admirent Noémie et Priscilla ; les deux défenestrations simultanées, grand moment de tension du film...). Civeyrac signe ici un drame poignant, un peu handicapé par son dernier quart d’heure décevant, et révèle deux actrices : Léa Tissier et Elise Lhomeau qui font preuve d’un réel talent pour retranscrire la violence et la souffrance habitant leurs personnages.
Des filles en noir, de Jean-Paul Civeyrac est sélectionné au Festival d’automne organisé sur Christoblog.