La fille du RER, réalisé par André Téchiné

Publié le par pL


Comme Les Témoins, qui se focalisait sur plusieurs personnages afin de décrire (brillamment) les réactions face à l’apparition du SIDA dans la France des années 1980, La fille du RER développe un fait divers réel, une jeune femme ayant feint une agression dans le RER D en 2004, vécue par une galerie de personnages. Divisé en deux axes comme un devoir scolaire qui analyserait un événement, ses causes et ses conséquences, le nouveau film d’André Téchiné dessine, dans une première partie intitulée « Les Circonstances », les personnages de son intrigue. Prenant des allures de chronique de la vie quotidienne, La fille du RER s’attarde sur la description de la petite vie de Jeanne (excellente Emilie Dequenne) et de ceux qui l’entourent, un portrait construit par une succession de scènes brutalement interrompues par des fondus au noir. La fille du RER fait du roller, et apparaît d’emblée dans son monde, écoutant une musique masquant les bruits de la ville, de la réalité. Jeanne est une jeune chômeuse vivant avec sa mère, qui rédige ses lettres de motivation. Elle va faire dans la rue la connaissance de Franck, duquel elle se rapprochera lors d’une magnifique séquence de conversation virtuelle sur Internet aux accents érotiques, dans laquelle le montage fabrique de faux champ-contrechamp avec amorce, chaque image intégrant les deux protagonistes, pourtant éloignés, et créant ainsi une fausse proximité.

La question du faux est au cœur de La fille du RER puisque c’est sur un mensonge que repose le film : celui d’une agression qui n’a pas eu lieu, et qui, dès lors, n’existe qu’à travers les mots de Jeanne à la fin de la première partie, paroles off en décalage avec l’image. Le film privilégie ce que le journal télévisé concluant l’affaire aurait du mettre en avant au moment des faits : la non-vérification des informations fournies aux journalistes, et la banalisation par les médias de situations violentes. C’est parce que la télévision ne cesse de mentionner des agressions antisémites, en dessinant toujours le même profil pour l’agresseur, que Jeanne ne mesure pas les conséquences de sa simulation. La seconde partie, présentant « Les conséquences » suit Jeanne jusqu’à l’aveu de son mensonge, imaginé pour que l’on s’intéresse à elle, pour « être aimée ». La principale conséquence de son acte ne sera pas son emprisonnement mais la triste confirmation de sa fragilité puisqu’elle ne maîtrise même pas la fiction qu’elle a inventée. La fille du RER emprunte le fonctionnement des Témoins en se concentrant sur ses personnages solidement construits pour aborder un événement à l’échelle humaine, mais si les questions posées par Téchiné sur la construction de l’information par les médias sont passionnantes et bien traitées, son film semble parfois presque aussi anecdotique que le fait divers lui servant d’intrigue…

15/20

 

Publié dans Critiques de 2009

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