J'ai tué ma mère, réalisé par Xavier Dolan

Publié le par pL


J’ai tué ma mère est le premier film du très prometteur Xavier Dolan, remarqué lors du dernier festival de Cannes. C’est aussi le titre d’une dissertation rendue par Hubert Minel, en conflit avec sa mère : leur affrontement est en effet verbal plutôt que physique. Dans de longs plans fixes, Dolan (réalisateur et acteur) capte ces propos échangés avec crudité et humour. La famille, l’amour, la haine : autant de thèmes au cœur du formidable Conte de Noël d’Arnaud Desplechin, qui sont ici abordés de façon plus intime (la famille étant réduite à la mère et son fils) pour également démontrer que les contraires sont indissociables. Xavier Dolan prend son temps pour analyser ce malaise, se confronte avec la même rigueur à tous les points sensibles de son scénario (homosexualité, absence de figure paternelle, fugues…) en évitant admirablement les poncifs. Le face à face, s’orchestrant avec une immense subtilité, est d’autant plus crédible que la mère et le fils sont incarnés par deux acteurs plus que convaincants (Xavier Dolan et Anne Dorval), dont la nuance de jeu parvient à rendre compte de la complexité et de l’ambiguïté de leur personnage.

Le film a des allures d’autoportrait (l’intégration de plans où Hubert se confie face à son caméscope ne fait que renforcer la part documentaire), or le cinéaste affirme dans diverses interviews que son film est d’abord une fiction. C’est en partie cette déclaration qui fait la force de son projet : J’ai tué ma mère refuse ainsi tout règlement de compte personnel, tout égocentrisme et toute compassion. En écartant cet effet de réel, Xavier Dolan refuse aussi une mise en scène clichée (image avec du grain pour attester qu’elle provient du caméscope du personnage, et donc revendiquer son authenticité, etc.) pour privilégier une véritable proposition de cinéma.

Les plans sont composés avec une grande précision (décadrages, verticaux et/ou horizontaux, très prononcés…), et le film convoque de nombreuses références. Pour des thèmes abordés (conflit d’un adolescent avec sa mère) et lors de certaines séquences (fugues, enfermement, ici dans un pensionnat…), Hubert Minel est un personnage dans la lignée d’Antoine Doinel, ce que ne fait que confirmer son mensonge à l’école (« Ma mère est morte »). D’autres influences, à Alain Resnais (pour l’insertion dans le montage de gros plans d’objets emblématiques évoquant l’ouverture de Mon Oncle d’Amérique par exemple), Gus Van Sant (pour les plans de dos, dans des couloirs) ou à Wong Kar-Wai (pour une même musique récurrente), parcourent J’ai tué ma mère. Maîtrisant absolument ses références cinématographiques, judicieusement intégrées, et travaillant minutieusement ses dialogues et ses personnages, Xavier Dolan signe un premier film impressionnant à tous les niveaux.

15/20

__________________________________________________

Vous avez réagi:

Ecrit par Pascale le dim 26 jui 2009 - 11h03

Magnifique, grand film d'amour j'ai trouvé.
Ecrit par Vincent le dim 19 jui 2009 - 04h23
Mais c'est que tu commences à me connaître par coeur !!
Ecrit par pL le sam 18 jui 2009 - 20h45
Ah, ça sent la grande exaltation ça. Benjamin Button serait-il détrôné?
Ecrit par Vincent le ven 17 jui 2009 - 15h34
Putain de film. Je ne m'en remettrais jamais. 15/20, c'est pas assez, faut les encourager les p'tits jeunes M'sieur pL !

 

Publié dans Critiques de 2009

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article