A l'Origine, réalisé par Xavier Giannoli

Publié le par pL


SELECTION OFFICIELLE FESTIVAL DE CANNES 2009 –EN COMPETITION

CESAR 2010: MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE (EMMANUELLE DEVOS)

Que ce soit dans Les Corps impatients, Une Aventure ou Quand j’étais chanteur, les films de Xavier Giannoli s’élaborent autour d’un couple fragile ou impossible, menacé par la maladie dans le premier, une instabilité psychologique dans le second et un gouffre générationnel dans le dernier. A l’Origine s’inscrit dans le prolongement de ces œuvres (la maire est veuve, le personnage principal se dit séparé, le couple de jeunes prolétaires ne laisse pas transparaître un bonheur absolu…), et va même plus loin en ne se focalisant que sur une seule figure, isolée : celle de Patrice Miller (pseudonyme), homme seul dès le premier plan, alors qu’il est au téléphone et que l’on n’entend absolument pas son interlocuteur. Cet homme, introduit comme un escroc multipliant les magouilles pour le compte d’une petite organisation, va décider de reprendre en main un chantier laissé à l’abandon dans une petite ville de province. C’est alors l’occasion pour Xavier Giannoli de se risquer à développer un point inédit dans son cinéma : le film social.

A la manière d’un Ken Loach plus poétique et moins militant, le cinéaste retranscrit avec justesse et précision un malaise ambiant généré par un taux de chômage croissant et un désintéressement total de tous pour ce petit village provincial. Comme dans Quand j’étais chanteur où il filmait des bals populaires, il pose sa caméra au sein d’une communauté modeste. Une fête de village est alors filmée avec beaucoup de tact, faisant ressortir derrière la légèreté et l’humour de la scène des préoccupations plus graves. C’est aussi parce que Giannoli donne de l’ampleur à ses personnages secondaires, habilement construits et magistralement interprétés (Soko et Vincent Rottiers, entre autres, sont formidables) qu’il parvient à décrire avec beaucoup de finesse le contexte social de son film.

Toutefois, dans A l’Origine, il n’y a jamais d’un côté le film social et de l’autre le portrait d’un homme dépassé par les événements qu’il a provoqué. Ces deux facettes du film sont en permanence confrontées, chacune nourrit l’autre et elles se confondent, donnant ainsi une parfaite cohérence à l’œuvre. Par exemple, l’arrivée de Miller provoque chez les habitants l’espoir d’un changement, espoir qui engendre à son tour l’enfoncement du personnage dans son mensonge. Refusant d’instaurer un faux suspense quant à l’identité de ce personnage (il est un usurpateur), Xavier Giannoli décrit progressivement son ambiguïté en laissant obscures des motivations qu’il ignore sans doute lui-même. A l’origine, il y a tout de même un véritable malaise, un évident besoin de reconnaissance qui, une fois obtenue, est immédiatement condamnée à l’éphémérité. Miller sera toujours seul, et le jeu des acteurs suffit à le signifier. Aux grains de voix enfantins et innocents de Soko ou Emmanuelle Devos s’oppose celui plus sec et hésitant de François Cluzet, qui par ailleurs réalise une superbe performance physique. Par ses seuls mouvements ou regards, il parvient à transcrire le malaise d’un homme fragile et fuyant. A l’Origine est un film profondément tragique, mais cette tragédie est belle : Xavier Giannoli a le don de savoir magnifier des images ordinaires (des plans de chantiers ou ceux de dessins d’enfants) desquelles surgit subitement une émotion profonde et sincère.

15/20

Publié dans Critiques de 2009

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A
<br /> Je regrette un peu de l'avoir loupé mais bon je me rattraperai lors de la sortie en DVD. Le sujet avait l'air original et Cluzet est généralement un bon acteur.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Personnellement, Welcome m'avait beaucoup moins convaincu.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Oui pour moi aussi c'est un des plus beaux films français de l'année, avec Welcome, une tragédie qui donne le vertige magnifiée par un Cluzet au sommet!<br /> <br /> <br />
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