Enter the void, réalisé par Gaspar Noé
SELECTION OFFICIELLE - CANNES 2009: EN COMPETITION
Si Irréversible a créé la polémique il y a huit ans, c’est notamment à cause de la longue scène de viol qui se trouve au milieu du film. Une séquence filmée en plan fixe au sein d’un film privilégiant systématiquement les mouvements de caméra… Déjà, il y avait une volonté d’épouser la subjectivité du personnage en faisant ressentir au spectateur la durée du viol. Enter the void s’inscrit dans le prolongement de cette séquence, si ce n’est que Gaspar Noé va bien plus loin, en utilisant tout au long du film une caméra subjective. La caméra prend donc la place d’Oscar, un dealer exilé à Tokyo, où il vit avec sa sœur. Le film se découpe en trois parties, durant lesquelles Noé explore les possibilités de trois caméras subjectives différentes.
D’abord, c’est à la façon de Robert Montgomery qu’il invite le spectateur dans le monde d’Oscar. On voit à travers ses yeux, et le personnage n’apparaît que dans un miroir (clin d’œil à La Dame du lac). Hormis lors une séquence hypnotique qui représente le délire du personnage (et renvoie au générique très soigné), le dispositif trouve rapidement ses limites. Intervient alors une bonne idée : la mort d’Oscar dans les toilettes d’un bar, qui met fin à cette ocularisation. La caméra de Gaspar Noé abandonne donc le corps d’Oscar progressivement. Il reste de dos, au premier plan lorsqu’il revoit les moments clés de sa vie défiler sous ses yeux. Ces flashbacks constituent le temps fort d’Enter the void : ils instaurent une ambiance étrange, réellement originale, en faisant du personnage à la fois un spectateur et un acteur des événements montrés. C’est lors de ces retours dans le passé que Noé propose les plans subjectifs les plus intéressants : en refusant la linéarité et en optant pour la répétition d’images traumatisantes, ces flashbacks – brillamment montés – évoquent le fonctionnement de la mémoire.
Malheureusement, c’est aussi à partir de ce moment-là que Gaspard Noé n’est plus à la hauteur. La caractérisation de ses personnages (Oscar et sa sœur, Linda) reste trop superficielle, ce qui nuira au reste du film. Dans la dernière partie, la caméra se confond avec l’âme d’Oscar errant dans les rues tokyoïtes. Gaspar Noé applique alors sagement un programme annoncé dès le début par un livre religieux et Enter the void ne dépasse pas la simple illustration. Si certaines séquences impressionnent par leur mise en scène, d’autres (trop nombreuses) se regardent avec ennui et désintérêt. Le film laisse la désagréable impression que Noé n’a pas su mettre son indéniable savoir-faire au service d’un propos plus subtil et plus constructif.
9/20