Hors-la-loi, réalisé par Rachid Bouchareb
CANNES 2010: SELECTION OFFICIELLE - EN COMPETITION
Comme Indigènes qui tentait d’imiter les films de guerre américains, Hors-la-loi emprunte beaucoup au cinéma hollywoodien tout en cherchant à faire entendre un discours historique et politique qui a eu des répercussions bien en dehors du monde du cinéma. Dans son nouveau film, Rachid Bouchareb mêle la petite histoire (le destin de trois frères chassés de leur petit village d’Algérie) à la grande sur une – trop – longue période (1945 – 1962). De cette compression excessive d’un sujet passionnant et complexe résulte inévitablement de nombreux raccourcis dérangeants et quelques invraisemblances d’autant plus regrettables que le point de vue adopté par le réalisateur est suffisamment nuancé pour être entendu. Même si les bonnes intentions de Bouchareb sont évidentes, il n’évite pas les maladresses (un fondu enchaîné au début liant la célébration de la Libération et les protestations des indépendantistes algériens, donnant naissance à une comparaison plus que douteuse) et semble parfois bien naïf (la conclusion où les problèmes induits par l’indépendance de l’Algérie sont totalement occultés). Par conséquent, le film perd malgré lui en crédibilité et vaut surtout pour ce qu’il propose à côté des événements historiques relatés.
Hors-la-loi devrait plutôt être présenté comme étant l’histoire d’une fratrie, un film romanesque influencé par les westerns et les films de gangsters, par Sergio Leone et Francis Ford Coppola. Evidemment, Rachid Bouchareb n’est jamais à la hauteur de ses modèles, mais son film (et plus particulièrement les scènes où intervient le personnage de Jamel Debbouze) reste suffisamment soigné pour ne pas être totaement ridicule. On regrettera néanmoins que Bouchareb n’ait pas compris l’importance du hors champ et des non-dits, qui auraient apporté un peu de finesse à son film. Le style est lourd, l’intrigue est rarement mise en valeur (pas d’émotion, pas de suspense, pas de tension) et des interprètes d’ordinaire très bons sont lourdement handicapés par l’inutile et inhabituel accent arabe qu’on leur a demandé de prendre (par souci de crédibilité ?). Reconnaissons toutefois qu’Hors-la-loi a le bon goût de ne pas souffrir du « syndrome La Rafle » (se réfugier derrière son sujet imposant pour refuser, sans se l’avouer, de faire du cinéma) : même si le résultat ne convainc pas, le film ne manque pas d’ambitions, tant politiques que cinématographiques.
8/20