Dans ses yeux, réalisé par Juan José Campanella
OSCAR 2010 DU MEILLEUR FILM ETRANGER
En 1974, une jeune institutrice fut violée et assassinée à Buenos Aires. Benjamin Exposito, alors employé dans le bureau de la juge Irène Menendez, a enquêté sur cette affaire et vingt-cinq ans plus tard, il décide de se replonger dans ses souvenirs pour écrire un roman sur ce fait divers qui a marqué sa vie. Cependant, Exposito ne sait pas comment commencer son livre et, de la même manière, Dans ses yeux propose plusieurs possibilités d’incipit. Il y a des images du viol mais aussi une scène de séparation, en partie floue : monté dans un train, Exposito observe la silhouette d’Irène, restée sur le quai, qui ne cesse de rétrécir. D’emblée, Juan José Campanella pose deux intrigues : l’enquête sordide et l’histoire d’amour impossible entre Irène et Benjamin.
Le meurtrier est rapidement démasqué, révélant sa fascination pour la victime par son regard sur diverses photographies. Dans ses yeux ne multiplie donc pas les fausses pistes avant un twist final (si le film se conclue par une surprise, celle-ci est bien plus intelligente que la découverte du nom du coupable et amène de nouveaux questionnements) mais déplace l’intérêt de l’intrigue policière : le film se focalise sur le combat d’Exposito pour faire mettre le coupable en prison... avant que celui-ci ne soit immédiatement libéré et converti en indic pour un juge détestable. Campanella oppose ainsi deux enquêteurs, Exposito et son acolyte, Pablo Sandoval (un personnage plus complexe qu’il n’y paraît), issus d’un milieu modeste mais incorruptibles et défenseurs d’un idéal de justice, et un système judiciaire qui semble agir contre eux.
Simultanément, et tout comme le meurtrier, Exposito est trahi par son regard, qui se porte trop longuement sur Irène. Dans ses yeux intègre ainsi avec brio des séquences relevant du mélodrame et justifiant la construction en flashbacks. Si le film mêle deux époques, les scènes au présent restent rares et brèves : Exposito vit avec ses regrets, dans ses souvenirs, sans se projeter dans le futur ni même vivre l’instant présent. Le temps a marqué son visage, ses cheveux bruns sont devenus gris et pourtant sa relation avec Irène n’a pas évolué d’un iota : au-delà de ces transformations physiques, le personnage n’a pas changé... Malgré une réalisation très classique mais maîtrisée, Dans ses yeux captive grâce aux problématiques qu’il aborde avec justesse, aux questions qu’il pose lors de sa conclusion, et à ses personnages remarquablement construits et impeccablement interprétés.
13/20